Login

La luzerne, assurance tous risques contre l’acidose ?

« La luzerne en brins longs ou bouchons peut-elle toujours être considérée comme un aliment tampon… sans risque de provoquer une acidose ? »

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

réponse de l’expertstrong

L’image d’Épinal du pouvoir tampon de la luzerne qu’elle soit en bouchons, brins longs ou encore en mélange dans des concentrés cellulosiques, est à relativiser. Voici deux exemples de réglage alimentaire avec de la luzerne où le diagnostic montre des problèmes d’instabilité ruminale d’origine chimique avec des accidents de pH répétés, ne permettant pas la stabilisation de la flore ruminale.

Deux exemples vécus parlants

Le premier est un élevage de montbéliardes en ration hivernale à base de foin précoce, feuilles fines. Pour se protéger du risque d’acidose et sécuriser ses stocks, l’éleveur avait investi dans de la luzerne brins longs, en balles carrées, avec incorporation de granulés énergétiques. Celle-ci était distribuée en tête de repas. Mais on avait en face une production laitière insuffisante, un rapprochement des taux et une zone pHG active : des signes d’acidose.

Une analyse spécifique nous disait que le foin de la ferme utilisé ne pouvait pas induire d’acidification. Ni les concentrés en complément. D’où l’idée de tester une inversion de distribution avec la luzerne achetée apportée après vingt minutes­ de consommation du foin. Résultat : les taux se sont stabilisés et la production a gagné 1,2 l par vache, sans autre modification. L’élément déstabilisant du pH du rumen, et donc de la sélection bactérienne, était bien la luzerne en tête de repas avec un process d’acidification brutale, avant l’intervention des mécanismes tampons (salivation à l’ingestion).

L’autre exemple est un élevage de 55 limousines associant luzerne achetée et ensilage de maïs très sec à maturité. Là, les symptômes alimentaires observés étaient une forte excitation dans le troupeau avec compétition à l’auge du fait de phénomènes de tri. Son origine était identique : instabilité ruminale due à des accidents de pH. Nous organisons les séquences de distribution avec le fourrage grossier (luzerne) en tête de repas avant l’ensilage, distribution matin et soir et blocage au cornadis deux heures le matin, une heure le soir pour assurer la consommation de fourrage. Pas d’amélioration. Suspectant une insuffisance de pouvoir tampon de la luzerne, nous inversons l’ordre de consommation pour tester la réponse des bêtes : ensilage de maïs en tête de repas (pas d’équipement pour mélanger). Et là, la stabilisation des rumens et du comportement des vaches est immédiate. La luzerne était, là aussi, cause de la déstabilisation des rumens.

Toutes les luzernes ne se valent pas

En résumé, l’effet tampon ne joue pas forcément pour tous les types de luzerne. L’effet stabilisant immédiat­ vis-à-vis des pics d’acidité est dû à la composition en bases faibles­ des luzernes en plus des apports de calcium. Cette composition­ chimique­ dépend de la nature du sol (site d’origine), de l’implantation racinaire (âge de la culture), du stade de fauche (stade et nombre de coupes) et des variétés utilisées.

Sauf à produire sa luzerne ou à connaître­ le producteur, on ne peut déterminer à l’œil ces caractéristiques­ chimiques. Face à une botte de luzerne achetée, tout au plus peut-on apprécier l’aspect physique des tiges pour en prévoir l’effet sur la vitesse d’ingestion­, la rumination. Rien de plus. Actuellement, les zones de production se sont déplacées, et la Champagne calcaire historique n’est plus la seule origine. Des cultures irriguées et fertilisées, sur sol dépourvu de calcaire, permettent­ jusqu’à 6 ou 7 coupes… avant de partir dans les grands échanges routiers nationaux ou internationaux et d’arriver chez vous. Alors la luzerne ça gratte, ça pique ? Et pas que. Ça tamponne ou acidifie selon la façon de la produire. Elle reste néanmoins une plante pleine de noblesse mais dont la production forcée peut inverser les propriétés (azote, fibres) mais pas seulement…

© B.Giboudeau - B.Giboudeau

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement